Saignements d’une fausse couche expliqués par un gynécologue

Article écrit par Dr Dragana Angelov Isak, gynécologue obstétricien au Centre Hospitalier Edmond Garcin

Les saignements vaginaux sont une source d’inquiétude importante au cours des premiers mois de grossesse et font souvent craindre une fausse couche. A quoi ressemble le saignement d’une fausse couche ? Est-ce que l’apparition de saignements signifie forcément qu’il s’agit d’une fausse couche ? Quelle est la durée des saignements en cas de fausse couche ? Comment différencier le saignement d’une fausse couche précoce de celui de règles tardives ? Est-il possible de faire une fausse couche sans saignements ? On fait le point.

A quoi ressemble le saignement d’une fausse couche ?

Les saignements d’une fausse couche appelés métrorragies diffèrent en fonction du stade d’avancement de votre grossesse.

Saignements fausse couche précoce

Une fausse couche précoce correspond à l’expulsion ou avortement spontané d’une grossesse intra-utérine avant la 14ème semaine d’aménorrhée (12ème semaine de grossesse) soit au cours du premier trimestre de grossesse.

Les pertes de sang sont d’abord légères et de couleur marron puis de plus en plus abondantes et de couleur rouge vif au fur et à mesure que le col de l'utérus se dilate pour se vider. Si la fausse couche a lieu avant la 8ème semaine d’aménorrhée, les saignements sont en général semblables à ceux de règles abondantes. Au-delà, ils peuvent s’accompagner de l’expulsion de caillots de sang et de tissus embryonnaires.

Ces saignements d’intensité croissante sont représentatifs de l'évolution naturelle d'une grossesse non viable que l’on peut classer en 5 catégories :

- la fausse couche précoce retardée ou grossesse arrêtée correspond à la découverte fortuite à l’échographie d’un arrêt de développement. Il n’y a pas de saignements ou de légers saignements.

- la fausse couche menaçante ou menace de fausse couche correspond à la présence ou non d'images de décollement ovulaire ou trophoblastique (le futur placenta) de taille variable à l’échographie. Les saignements sont modérés.

- la fausse couche en cours ou inévitable correspond à un sac gestationnel en voie d’expulsion. Les saignements sont de plus en plus abondants.

- la fausse couche complète caractérisé par une vacuité utérine à l’échographie. Les saignements diminuent en quelques heures.

- la fausse couche incomplète caractérisé par la rétention ovulaire ou trophoblastique à l’échographie. Les saignements persistent et peuvent être accompagnés de résidus intra-utérins (caduque basale ou muqueuse utérine modifiée par la grossesse, trophoblaste).

saignements fausse couche

En cas de saignements abondants (écoulements de type hémorragie), il faut se rendre aux urgences pour un examen gynécologique car il peut s’agir d’une fausse couche hémorragique.

Pour rappel, les saignements d’une fausse couche peuvent ou non être accompagnés de douleurs au bas-ventre ou de crampes abdominales.

Saignements fausse couche tardive

Une fausse couche tardive correspond à l’expulsion spontanée d’une grossesse intra-utérine entre la 14ème et la 22ème semaine d’aménorrhée soit au cours du deuxième trimestre.

Les saignements commencent de manière soudaine et sont plus abondants plus rapidement. Le fœtus étant plus gros, il y a davantage de matériel intra-utérin à expulser.

Est-ce que les saignements sont toujours graves ?

Les saignements vaginaux peuvent survenir au cours d’une grossesse normale. 20 à 25% des femmes enceintes présentent des petits saignements ou des petites pertes vaginales au cours du premier trimestre de grossesse (après des rapports sexuels par exemple) mais seulement la moitié d’entre elles font une fausse couche. Dans 50% des cas, ces pertes sanguines sont sans gravité.

Les saignements de début de grossesse peuvent être causés par :

- l'implantation de l'embryon dans la paroi utérine appelée nidation et qui survient 7 à 10 jours après la fécondation. Ces saignements peuvent intervenir vers la date de vos règles. Ils sont plus légers et durent moins longtemps que les règles (1 à 2 jours).

- des lésions du col de l’utérus à la suite d’un rapport sexuel ou d’un toucher vaginal par exemple. Les saignements sont également légers et brefs (1 à 2 jours).

- un léger décollement trophoblastique (future placenta) peut entraîner ce que l’on appelle un hématome décidual qui se résorbe naturellement dans la majorité des cas (une surveillance échographique est nécessaire). Les saignements sont légers à modérés et peuvent persister de manière ponctuelle pendant plusieurs semaines.

- une grossesse extra-utérine (grossesse implantée en dehors de la cavité utérine) qui nécessite une prise en charge rapide.

- un polype du col de l’utérus (excroissance fréquente et souvent bénigne) causé par une inflammation ou une infection.

- une dysplasie du col, conséquence d’une infection prolongée par papilloma virus.

- certaines femmes continuent d’avoir des saignements à la date théorique de leurs règles.

Lorsque les pertes sont légères et ponctuelles, qu’elles soient accompagnées ou non de douleurs pelviennes, il ne s’agit pas forcément d’une fausse couche. De la même façon, les pertes marrons peuvent survenir dans le cadre d'une grossesse normale. Un saignement vaginal rouge et abondant est un symptôme plus préoccupant.

Les saignements qui surviennent au cours du deuxième trimestre peuvent également avoir différentes causes qui n'entraîneront pas forcément une fausse couche, comme une irritation, des modifications du col de l'utérus, un décollement placentaire appelé hématome rétroplacentaire (décollement prématuré d’un placenta normalement positionné), un placenta bas-inséré (placenta implanté sur le segment inférieur de l’utérus soit la partie basse) ou un placenta prævia implanté sur le col.

Quelle est la durée des saignements en cas de fausse couche ?

La durée des saignements d’une fausse couche va dépendre de l’approche thérapeutique choisie.

En cas de fausse couche précoce, 3 approches sont possibles :

- l’expectative correspond à attendre l’évacuation naturelle du produit de conception. Les saignements peuvent durer quelques jours et jusqu’à 6 semaines.

- le traitement médical par misoprostol (analogue synthétique de la prostaglandine E1) consiste à induire des contractions utérines qui vont accélérer l’expulsion du produit de conception. Les saignements peuvent durer quelques jours et jusqu’à 2 semaines.

- le traitement chirurgical par aspiration consiste à aspirer le contenu utérin à l’aide d’une canule. En l’absence de complications, les saignements durent quelques jours.

Ainsi, les saignements sont plus abondants et durent plus longtemps en cas d’expectative et de traitement médical. Les saignements les plus abondants durent en général quelques heures. Ils correspondent au moment où le corps expulse la majorité du contenu intra-utérin. Après l’expulsion, les saignements sont plus légers et leur durée dépend de la méthode thérapeutique choisie. Le plus souvent, ils durent une à deux semaines avant de s’arrêter définitivement.

En cas de menace de fausse couche tardive, si un cerclage est réalisé, des saignements de faible abondance peuvent perdurer pendant quelques jours.

Comment différencier les règles d’une fausse couche très précoce ?

Une fausse couche peut avoir lieu avant même de savoir que vous êtes enceinte. On parle de fausse couche très précoce ou de grossesse biochimique. Elle survient en général entre la 5ème et la 6ème semaine d’aménorrhée et peut donc facilement être confondue avec un retard de règles. 

La fausse couche très précoce provoque des symptômes plus importants que des menstruations :

- des saignements plus abondants et plus longs

- l’expulsion de caillots de sang ou de tissus embryonnaires.

Si vous présentez ces symptômes, commencer par faire un test de grossesse. Si celui-ci est négatif, vous ne saurez pas si vous avez fait une fausse couche ou s’il s’agit d’un retard de règles. S’il est positif, il faut consulter votre gynécologue qui pourra faire une échographie. Si la cavité utérine est vide à l’échographie, un dosage sanguin des bêta-HCG (hormone de grossesse) par prise de sang sera indiqué toutes les 48h afin d’établir une courbe de cinétique et ainsi préciser le diagnostic.

Est-il possible de faire une fausse couche sans saignements ?

Une fausse couche sans saignements est tout à fait possible. Il s’agit d’une grossesse arrêtée qui ne s’accompagne d’aucun symptôme. Elle est alors détectée de manière fortuite lors d’une première échographie qui montre un arrêt de développement par la stagnation de la taille du sac gestationnel et/ou de la longueur cranio-caudale de l’embryon et/ou la disparition d’une activité cardiaque.

Quand faut-il consulter un professionnel de santé ?

Quel que soit la nature des saignements pendant la grossesse, il est important de consulter rapidement un gynécologue. Il vous posera quelques questions : de quelle couleur sont les saignements ? Quand ont-ils commencé ? Sont-ils abondants ? Sont-ils associés à d’autres symptômes comme des douleurs pelviennes ? Vous pouvez lui donner une idée de l’abondance des saignements en nombre de serviettes hygiéniques utilisées (évitez les tampons).

L’examen clinique au speculum et une échographie complétés si besoin par une ou plusieurs prises de sang permettront de savoir si les saignements sont normaux ou s’ils sont dû à une fausse couche.

Conclusion

Si vous constatez soudain des saignements, ne paniquez pas. Les saignements et les pertes de sang ne signifient pas forcément que vous faites une fausse couche. Mais ils ne sont pas pour autant anodins et doivent dans tous les cas faire l’objet d’une consultation gynécologique.