Risque de fausse couche par semaine en pourcentage : les statistiques

Article écrit par Dr Dragana Angelov Isak, gynécologue obstétricien au Centre Hospitalier Edmond Garcin

La fausse couche spontanée est l’une des principales préoccupations des femmes enceintes en début de grossesse. Cependant, il n’est pas toujours facile de trouver des statistiques fiables sur le risque de fausse couche au fur et à mesure de l’avancement de la grossesse et en fonction des différents facteurs de risque. Quel est le risque de faire une fausse couche par semaine de grossesse ? Y a-t-il plus de risque de faire une fausse couche lorsqu’on en a déjà fait une ? Quels sont les principaux facteurs de risques à prendre en compte ? Est-il possible d’estimer votre propre risque de fausse couche ? On fait le point sur les chiffres qui proviennent d’études scientifiques portant sur des échantillons suffisamment grands pour être considérés comme représentatifs.

Statistiques générales sur les fausses couches

Également appelée avortement spontané, la fausse couche est l’expulsion d’une grossesse avant 22 semaines d’aménorrhée (22 SA) soit au cours des 5 premiers mois de grossesse.

Les principaux symptômes sont des saignements par voie vaginale plus ou moins abondants, irréguliers ou ininterrompus ou l’expulsion de caillots de sang. Ces pertes de sang peuvent être accompagnés ou non de douleurs pelviennes (au niveau du bas-ventre) ou de crampes abdominales similaires à des contractions. La disparition des signes de grossesse (nausées, vomissements) peut également signifier un arrêt de la grossesse. Parfois il n’y a aucun symptôme et la fausse couche est découverte au cours du 1er trimestre.

Selon la dernière étude de grande ampleur parue en 2021 dans la revue médicale britannique The Lancet, 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde. Le pourcentage de fausse couche est estimé à 15,3%(1) des grossesses connues cliniquement sur la base d'une analyse portant sur 4 638 974 grossesses.

Cette statistique ne comprend donc pas les pertes qui surviennent avant que la grossesse ne soit reconnue sur le plan clinique ou que la femme ne sache qu'elle est enceinte. Un certain nombre de fausses couches surviennent en effet peu de temps après l’implantation embryonnaire ou nidation soit avant 5 semaines d’aménorrhée mais leur quantification est très difficile. Il s’agit du moment où l’œuf s’implante dans l’utérus (7 à 10 jours après la fécondation). On parle de fausse couche très précoce ou de grossesse biochimique. Le test de grossesse est d’abord positif car l’embryon a bien été implanté dans la muqueuse utérine (présence de l’hormone bêta-HCG) mais négatif peu après car son développement s’est arrêté avant qu’un sac gestationnel puisse être visible à l’échographie. La fausse couche très précoce à 5 SA soit à 3 semaines de grossesse est rarement diagnostiquée sur le plan clinique et peut être assimilée à un retard de règles ou à des règles tardives et ainsi passer inaperçue. 

Environ 90-95%(2) des fausses couches ont lieu avant 14 SA soit pendant le premier trimestre de grossesse. On parle alors de fausse couche précoce. Parmi elles, environ 50%(3) sont dues à des anomalies chromosomiques du fœtus et l’autre moitié à des causes de santé sous-jacentes (malformations utérines, dysfonctionnements immunitaires, maladies maternelles, etc.). 

Seulement 5-10%(2) des fausses couches surviennent au cours du deuxième trimestre de grossesse avant la 22ème SA. On parle alors de fausse couche tardive.

Certaines femmes font plusieurs fausses couches. On parle de fausse couche à répétition à partir de trois fausses couches consécutives avec le même partenaire. Selon l’étude parue dans The Lancet, le nombre de cas de fausse couche à répétition est faible avec seulement 1,9% des femmes ayant fait deux fausses couches et 0,7% trois fausses couches ou plus.

Risque de fausse couche par semaine

Peu d’études existent sur le risque de fausse couche par semaine et la plupart d’entre elles portent sur un échantillon de femmes enceintes trop faible pour être représentatif. Les statistiques ne sont possibles qu’à partir de la 6ème semaine d’aménorrhée c’est-à-dire du moment ou une échographie est réalisée et que la grossesse est constatée sur le plan clinique.

L’une des seule étude d’ampleur sur le risque de fausses couches(4) par semaine publiée en 2013 a été réalisée aux Etats-Unis sur 4 070 femmes enceintes. Parmi elles, 537 ont fait une fausse couche soit un taux de fausse couche de 13,2%. Le pourcentage de fausse couche par semaine après échographie normale est estimé à :

- 14 à 15% entre la 6ème et la 9ème SA

- 6 à 8% entre la 10ème et la 15ème SA

- 1 à 2% entre la 16ème et la 19ème SA

Le pic de fausse couche survient entre la 8ème et la 10ème semaine d’aménorrhée que l’on peut considérer comme les semaines critiques. On constate une diminution nette du risque de fausse couche après la 15ème semaine d’aménorrhée. Il est de seulement 1 à 2% au cours du deuxième trimestre.

Cependant, en cas de saignements vaginaux abondants au cours du premier trimestre, en particulier lorsqu'ils sont accompagnés de douleurs, le risque de fausse couche est multiplié par trois selon une étude(5) publiée en 2010 aux Etats-Unis et portant sur 4 510 femmes enceintes. Les taches de sang et les épisodes légers n’augmentent pas le risque, surtout s'ils ne durent qu'un ou deux jours.

Risque de fausse couche à répétition

Selon une étude publiée en 2019(6) et portant sur une population de 421 201 femmes enceintes en Norvège, le risque de fausse couche augmente en cas d’antécédents de fausses couches répétées. Plus le nombre de fausses couches précédentes est élevé et plus le risque de faire une nouvelle fausse couche augmente.

Dans cette étude, le risque de fausse couche à répétition est estimé à :

- 12% pour une femme n’ayant pas eu de grossesse auparavant

- 20% pour une femme enceinte ayant déjà fait une fausse couche

- 28% pour une femme enceinte ayant fait deux fausses couches

- 42% pour une femme enceinte ayant fait trois fausses couches ou plus

La fausse couche à répétition augmente le risque de complications obstétricales lors d'une future grossesse. Selon l’étude de The Lancet, les femmes ayant fait une seule fausse couche sont 1,2 fois plus susceptibles d'avoir une naissance prématurée, 1,4 fois après deux fausses couches et 1,8 fois après trois fausses couches. Après trois fausses couches, les femmes sont 1,7 fois plus susceptibles d'être victimes d'un décollement du placenta lors d’une grossesse ultérieure.

La cause de fausses couches à répétition n’est pas connue dans environ la moitié des cas. On parle alors de fausse couche récurrente idiopathique. Une étude(7) portant sur 325 femmes enceintes ayant connu une fausse couche récurrente idiopathique a montré que les trois quarts d’entre elles ont mené une grossesse normale par la suite.

Principaux facteurs de risques d’une fausse couche

Le premier facteur de risque de fausse couche est l’âge de la mère. Le risque de fausse couche est ainsi plus élevé avant l’âge de 20 ans et après 35 ans dans la mesure ou la qualité des ovocytes diminue avec le temps et le risque d’une anomalie chromosomique augmente.

Selon l’étude norvégienne(6) citée précédemment, le risque de fausse couche est de 10% pour les femmes enceintes âgées de 25 à 29 ans et augmente rapidement après l’âge de 35 ans pour attendre 53% des femmes enceintes âgées de plus de 45 ans.

fausse couche par age

Cette analyse est confirmée par l’étude parue dans The Lancet qui estime le risque de fausses couches à 12% chez les femmes âgées de 20 à 29 ans et qui augmente avec l’âge pour atteindre 65% chez les femmes âgées de 45 ans et plus.

Outre l’âge maternel et les antécédents de fausse couche, il existe d’autres facteurs de risque qui ont été quantifiés par l’étude publiée dans The Lancet :

- Le tabagisme peut provoquer des spasmes vasculaires et entraîner une pathologie placentaire : les femmes qui fument au cours du premier trimestre ont 1,2 fois plus de risques de faire une fausse couche que les non-fumeuses, et le risque de fausse couche augmente avec le nombre de cigarettes (augmentation de 1% du risque par cigarette fumée par jour).

- La consommation d'alcool peut produire des effets délétères sur la croissance embryonnaire : les femmes enceintes qui consomment beaucoup d'alcool ont 1,7 fois plus susceptibles de faire une fausse couche.

- Un IMC très bas ou très élevé peut entraîner un déséquilibre hormonal métabolique ou un stress oxydatif : un IMC de 18,5 à 24,9 kg/m2 est associé à un risque faible tandis que les femmes ayant un IMC inférieur à 18,5 ont 1,6 fois plus de risques de faire une fausse couche et 1,9 fois pour celles ayant un IMC supérieur à 30.

- Plusieurs maladies maternelles, y compris les maladies auto-immunes tels que les anticorps antiphospholipides, les anticorps antithyroïdiens et l'hypothyroïdie, sont associées à un risque accru de fausses couches. C’est également le cas des anomalies utérines, en particulier les défauts de canalisation tels que le septum utérin.

- Le stress psychologique, une consommation de caféine très élevée, le travail de nuit, l'exposition aux pesticides ou encore l’âge du père, en particulier après 40 ans, sont également considérés comme des facteurs d’augmentation du risque.

Comment estimer son propre risque de fausse couche ?

Une étude parue en 2021 dans la revue scientifique Nature(8) propose un outil d'évaluation du risque de fausse couche en période de préconception. Il vous permet de calculer votre propre score de risque allant de 0 à 17 de manière simple en fonction de 7 facteurs de risque : l'âge maternel, l'origine ethnique, les antécédents de perte de grossesse, l'IMC, la consommation de cigarettes, d'alcool et de compléments alimentaires avant la conception.

Un score entre 0 et 3 est considéré comme un niveau de risque faible (< 10 % de fausses couches), un score entre 4 et 6 comme un niveau de risque intermédiaire (10 à < 40 % de fausses couches), et un score entre 7 et 17 comme un niveau de risque élevé (≥ 40 % de fausses couches).

Ce modèle de calcul de risque est bien entendu à prendre avec précaution. Plus que de donner un score, il est surtout destiné à permettre aux femmes présentant un risque plus élevé de fausse couche de modifier certaines de leurs habitudes avant la conception afin de réduire leur risque.

Conclusion

Les fausses couches spontanées sont l'une des complications les plus fréquentes de la grossesse. La plupart sont dues à des anomalies chromosomiques sur lesquelles vous n’exercez aucune influence. Sauf pour les fausses couches à répétition (qui sont rares), une fausse couche précoce ou tardive n’a pas d’impact sur la fertilité et donc sur une nouvelle grossesse. Vous avez toutes les chances de retomber enceinte rapidement et que la prochaine grossesse se déroule normalement.

 

 

 

 

(1) Miscarriage matters: the epidemiological, physical, psychological, and economic costs of early pregnancy loss, Lancet 2021.

(2) Pregnancy loss: A 40-year nationwide assessment, Acta Obstet Gynecol Scand. 2020.

(3) Genetics of early miscarriage, Biochimica et Biophysica Acta (BBA) 2012.

(4) Risk of Miscarriage Among Black Women and White Women in a US Prospective Cohort Study, American Journal of Epidemiology 2013.

(5) Association Between First-Trimester Vaginal Bleeding and Miscarriage, Obstet Gynecol. 2010.

(6) Role of maternal age and pregnancy history in risk of miscarriage: prospective register based study, BMJ 2019.

(7) A longitudinal study of pregnancy outcome following idiopathic recurrent miscarriage, Hum Reprod. 1999.

(8) Risk score to stratify miscarriage risk levels in preconception women, Nature 2021.