Article écrit par Dr Dragana Angelov Isak, gynécologue obstétricien au Centre Hospitalier Edmond Garcin
Vous êtes dans votre premier trimestre de grossesse et vous constatez un saignement ou des caillots de sang accompagnés ou non de douleurs au bas-ventre. Vous faites peut-être une fausse couche spontanée. Il existe différentes méthodes d’expulsion d’une fausse couche en fonction du contexte clinique et de votre souhait. Quels sont les avantages et inconvénients de chaque méthode ? Quels traitements vous seront expliqués et conseillés en fonction du contexte clinique ? Que se passe-t-il après l’expulsion d’une fausse couche ? On fait le point.
Quelles sont les différentes méthodes d’expulsion d’une fausse couche ?
C’est l’échographie qui permet d’établir le diagnostic gynécologique de fausse couche en précisant l’âge de la grossesse arrêtée, le stade évolutif de la fausse couche et, le cas échéant, l’importance de la rétention des débris ovulaires et annexes embryonnaires. En fonction de ces éléments, trois approches thérapeutiques d’expulsion vous seront proposées : l’expectative, le traitement médical et l’évacuation chirurgicale.
- L’expectative consiste à attendre l’expulsion naturelle et spontanée complète du produit de conception.
- Le traitement médical par l’administration de misoprostol consiste à accélérer l’expulsion du produit de conception et des éventuels débris ovulaires en induisant des contractions utérines qui vont permettre l’ouverture plus rapide du col de l’utérus. Ce médicament commence par augmenter les symptômes (saignements et douleurs) puis provoque l’expulsion du contenu intra-utérin. Le misoprostol est un analogue synthétique de la prostaglandine E1. Les effets peuvent survenir en quelques heures. Sans effet sous quelques heures, le traitement pourra être renouvelé 24 à 48h après la prise du premier traitement.
- Le traitement chirurgical consiste à aspirer le contenu utérin à l’aide d’une canule.
Quelles sont les avantages et les inconvénients de chaque traitement ?
Expectative
L’expectative permet d’éviter le recours à une évacuation chirurgicale dans certains cas en fonction de l’âge de la grossesse arrêtée, du stade évolutif de la fausse couche et de l’importance de la rétention ovulaire visible à l’échographie. Elle n’augmente pas les risques infectieux ou hémorragiques.
Le taux d’échec est plus important que le traitement médical ou chirurgical ce qui augmente le risque d’aspiration en urgence pour évacuation incomplète ou métrorragies / douleurs. Les saignements vaginaux sont souvent plus longs dans la mesure ou le délai d’expulsion est très variable et peut aller jusqu’à 6 semaines. Certaines femmes trouvent ce délai trop long et préfère s’orienter immédiatement vers un traitement médical ou chirurgical.
Toutefois, si la situation clinique le permet et que vous êtes motivée et consciente du suivi ambulatoire que l’expectative requiert ainsi que du risque d’une chirurgie secondaire, vous pouvez opter pour cette solution.
Traitement médical par misoprostol
Le misoprostol peut être proposé afin d’éviter une chirurgie et ses inconvénients : anesthésie et hospitalisation. Le traitement consiste en deux prises de 400 μg de misoprostol à 3 heures d’intervalle. En cas d’inefficacité (absence de métrorragies ou persistance du sac gestationnel), une nouvelle dose est administrée 24-48h après.
Les douleurs pelviennes (contractions, crampes) sont souvent plus fortes que l’expectative ou le traitement chirurgical et peuvent nécessiter la prescription d’antalgiques (médicaments contre la douleur). Les saignements plus ou moins importants peuvent durer jusqu’à 15 jours. Les effets secondaires sont modérés et transitoires : diarrhées, nausées, vomissements, céphalées et vertiges rares.
Traitement chirurgical par aspiration
L’aspiration chirurgicale a pour avantage d’être rapide (10-15 min) et efficace avec des taux de succès, définis comme l’évacuation complète sans geste complémentaire ni complication à court terme, compris entre 95 et 100% selon les études. Elle requière seulement 1 jour d’hospitalisation.
Les risques sont modérés lorsque l’évacuation est réalisée par aspiration sous anesthésie et après une préparation par misoprostol. La fréquence des complications est bien connue(1,2,3) :
- infection utérine : 0 à 6%
- perforation utérine : 0 à 2%
- évacuation incomplète : 2 à 3%
- hémorragie : 0 à 3%
- synéchies utérines : 15 à 30 %, surtout en cas de curetages répétés ou de contexte septique. Également appelées le Syndrome d’Asherman, les synéchies utérines sont des adhérences intra-utérines c’est-à-dire des accolements d’une partie ou de la totalité de la cavité utérine. Cette situation est rare de nos jours car le geste chirurgical à la curette est remplacé par une aspiration douce à la canule.
En conclusion, le geste chirurgical reste à l’heure actuelle le traitement le plus efficace et rapide d’une fausse couche précoce. En fonction de la situation clinique, l’expectative ou le traitement médical par misoprostol sont envisageables. Ces alternatives nécessitent un suivi ambulatoire et augmentent les risques d’une intervention chirurgicale en urgence. Quelle que soit la méthode choisie, les risques de complications sont faibles (< 5%) et il n’y a pas d’impact sur la fertilité.
Quelle méthode d’expulsion en fonction du contexte clinique ?
Il est important de distinguer 2 contextes cliniques très différents : la grossesse arrêtée et la fausse couche en cours ou incomplète.
L’expulsion d’une grossesse arrêtée
Un arrêt de la grossesse est un arrêt spontané de développement (stagnation de la taille du sac gestationnel et/ou de la longueur cranio-caudale de l’embryon et/ou disparition d’une activité cardiaque) avant la 14ème semaine d’aménorrhée (12ème semaine de grossesse).
Dans ce cas, l’expectative est déconseillée car les chances d’une expulsion spontanée sont très incertaines dans un délai acceptable de 2 semaines tout en augmentant les risques d’un traitement chirurgical en urgence en cas de rétention prolongée et même de transfusion sanguine en cas de métrorragies importantes et anémie secondaire. C’est donc le traitement médical par misoprostol ou chirurgical par aspiration qui vous seront, dans la plupart des cas, proposés et expliqués.
En cas de grossesse arrêtée à col fermé entre 6 et 10 SA, le misoprostol administré par voie orale, en deux doses de 400 μg, permet une expulsion complète dans la majorité des cas, dans des délais de 4 à 72 heures, sans risques de complications majeures. Si le sac gestationnel persiste au bout de deux semaines, il faudra envisager un traitement chirurgical par aspiration.
L’aspiration chirurgicale est très rapide (1 jour d’hospitalisation) avec un taux de succès supérieur à 95%(4,5,6).
Le traitement médical par misoprostol présente plus d’inconvénients que le traitement chirurgical surtout en cas de grossesse plus évoluée (au-delà de 8 SA) : il est un peu moins efficace avec des saignements plus longs (entre 7 et 14 jours) et des douleurs plus importantes ainsi qu’un risque d’hospitalisation en urgence plus élevé. Dans les deux cas, les risques de complications sont faibles (< 5%).
L’expulsion d’une fausse couche en cours ou incomplète
Une fausse couche précoce en cours se caractérise par un sac gestationnel en voie d’expulsion. Une fausse couche précoce incomplète se caractérise par la persistance de matériel intra-utérin à l’échographie.
Une expectative de quelques jours est recommandée et permet une évacuation complète dans plus de 80% des cas(7,8,9). Si les saignements abondants persistent au-delà de 2 semaines, l’expectative est considérée comme un échec et un traitement chirurgical est proposé. Il permet une évacuation complète dans plus de 95% des cas avec des saignements moins abondants et prolongés que dans l’expectative.
Le traitement médical par misoprostol est déconseillé dans le cas d’une fausse couche en cours car il ne permet pas un meilleur taux d’évacuation utérine complète à deux semaines par rapport à une expectative et ne réduit pas les risques de complications infectieuses et hémorragiques. Il est possible dans le cas d’une fausse couche incomplète si les saignements ne sont pas trop importants.
En cas de suspicion de rétention trophoblastique prolongée, une hystéroscopie avec résection du trophoblaste ciblée sera indiquée. Elle est considérée comme plus efficace et engendrant moins de complications de type synéchies utérines que le curetage à l’aveugle. Elle permet également des délais de conception plus courts par la suite.
Que se passe-t-il après l’expulsion d’une fausse couche ?
Il est recommandé d’attendre le premier cycle menstruel avant d’envisager une nouvelle grossesse.
Une consultation après le retour des règles permet d’évaluer les risques de récidives et l’impact psychologique. Profitez-en pour poser, si besoin, toutes les questions qui vous aideront à mieux comprendre votre fausse couche et à la surmonter.
La prise d’acide folique vous sera prescrite à ce moment-là si vous n’étiez pas déjà sous ce traitement à titre préventif. Elle est conseillée avant une nouvelle grossesse et pendant les trois premiers mois de grossesse.
Une contraception par pilule peut vous être prescrite pour plus longtemps si vous souhaitez attendre avant de concevoir de nouveau. Cela permet d’améliorer la régénération de la muqueuse utérine. Si vous ne souhaitez pas attendre, vous pouvez retomber enceinte dès la première ovulation qui survient, au plus tôt, deux semaines après la fausse couche. En cas de retard de règles, n’hésitez pas à faire un test de grossesse.
Quel que soit le traitement de votre fausse couche, il n’a pas d’impact sur la fertilité et vous avez toutes les chances qu’une nouvelle grossesse se déroule normalement.
Conclusion
Les chances d’expulsion naturelle sont plus incertaines en cas de grossesse arrêtée qu'en cas de fausse couche en cours ou incomplète.
Si vous souhaitez mettre cet événement douloureux derrière vous le plus rapidement possible ou si vous craignez d’avoir mal ou encore si vous êtes loin d’un hôpital, il faudra plutôt vous orienter vers un traitement chirurgical. Si au contraire, vous souhaitez différer le plus possible une intervention chirurgicale, vous aurez le choix entre l’expectative et le traitement médical. Le choix final vous revient dans tous les cas après avoir pris connaissance des avantages et des inconvénients des différents traitements possibles. La grossesse suivante a toutes les chances d’être une grossesse normale.
(1) Expectant, medical, or surgical treatment of spontaneous abortion in first trimester of pregnancy? A pooled quantitative literature evaluation, J Am Board Fam Pract. 1999.
(2) Should tissue from pregnancy termination and uterine evacuation routinely be examined histologically? Br J Obstet Gynaecol. 2000.
(3) The incidence of intrauterine adhesions following spontaneous abortions, Int J Fertil. 1982.
(4) Early pregnancy failure - Current management concepts, Obstet Gynecol Surv. 2001.
(5) Expectant, medical, or surgical treatment of spontaneous abortion in first trimester of pregnancy? A pooled quantitative literature evaluation, J Am Board Fam Pract. 1999.
(6) Management of incomplete abortions at South African public hospitals. National Incomplete Abortion Study Reference Group, S Afr Med J. 1997.
(7) Expectant management of first-trimester spontaneous abortion, Lancet 1995.
(8) Randomized trial of expectant versus surgical management of spontaneous miscarriage, Br J Obstet Gynaecol. 1997.
(9) The role of ultrasound in the expectant management of early pregnancy loss, Ultrasound Obstet Gynecol. 2001.