La plagiocéphalie chez le bébé : cause et prévention

Depuis le début des années 90, il est recommandé de coucher les bébés sur le dos. Cette recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS) a permis de très fortement diminuer le nombre de morts subites du nourrisson. Cependant, l’utilisation de cette position de couchage s’est aussi accompagnée d’une augmentation des cas de plagiocéphalie, aussi appelée syndrome de la tête plate. Bien heureusement cette affection reste le plus souvent bénigne et évitable à condition d’adopter les bons gestes pour la prévenir et la traiter si elle apparaît. Mieux vaut donc être informé et vigilant pour réagir vite. Le diagnostic et la prise en charge précoce sont des éléments essentiels.

A quoi est due la plagiocéphalie ? Quels sont les facteurs favorisants ? Comment prévenir son apparition? Que faire quand elle est présente ? On voit tout cela ensemble.

La plagiocéphalie qu’est que c’est ?

La plagiocéphalie correspond à un aplatissement du crâne du nouveau-né le plus souvent postérieur ou postéro-latéral, qui va se développer dans les premières semaines et les premiers mois de vie du nourrisson. C’est une déformation acquise et liée aux contraintes qui s’appliquent sur l’arrière du crâne lorsque bébé est couché sur le dos.

c'est quoi la plagiocéphalie

Le crâne du bébé est constitué de plusieurs pièces de cartilage qui vont s’ossifier progressivement pour devenir les os du crâne. Os frontal, occipital, temporal et pariétal composeront la voûte de la boîte crânienne… Ces futures pièces osseuses ne sont pas encore soudées entre elles au niveau des sutures. Elles peuvent donc dans une certaine mesure, se déformer et bouger entre elles, ce qui constitue une condition indispensable pour que le bébé puisse passer par le détroit inférieur du bassin lors de l’accouchement. Il existe même des zones sans cartilage osseux qu’on appelle les fontanelles. Au début donc, la boîte crânienne de bébé est souple et malléable. Avez-vous remarqué ? Juste après la naissance, bébé a parfois une tête un peu bizarre, allongée ou légèrement dissymétrique et en quelques jours, celle-ci retrouve une forme plus harmonieuse et relativement plus symétrique. Et bien cela est dû à cette malléabilité osseuse, aux fluides qui composent le corps du bébé (le sang, le liquide céphalo rachidien ou LCR…) et aux forces de croissance.

Au cours des premières semaines, le crâne va très vite se développer et augmenter de volume. Or, c’est aussi le moment où bébé va passer beaucoup de temps allongé sur le dos pour dormir. Le crâne va donc grandir mais un peu moins facilement dans les zones où les contraintes sont plus fortes. Il va ainsi se déformer au niveau de l’appui de la tête sur le matelas et s’aplatir : c’est ce qu’on appelle une plagiocéphalie positionnelle.

plagiocéphalie chez le bébé, les causes

 

Le plus souvent bébé est libre de tourner la tête d’un côté et de l’autre et fera naturellement varier ses appuis. De même quand vous le mettez sur le ventre, le portez ou jouez avec lui, cela permet de limiter les contraintes prolongées et de laisser libre les forces de croissance et les muscles de modeler les futurs os de la boîte crânienne. C’est pourquoi la plupart des bébés ne développent pas spontanément de plagiocéphalie. Cependant, si bébé à un problème de rotation cervicale ou s’il a simplement tendance à poser la tête du même côté pendant de longues heures, alors le crâne va se déformer petit à petit. Il existe en général un cercle vicieux dans cette déformation : le bébé qui trouve son confort sur la zone aplatie, va se reposer dessus lorsqu’il se retrouve sur le dos et aggraver la déformation.

Il existe plusieurs facteurs favorisants :

- Des facteurs liés à la grossesse et au placement du bébé dans le ventre. Le torticolis congénital, en limitant les possibilités de rotations de la tête de bébé augmente indirectement le risque de déformation.

- Des facteurs liés à l’accouchement et l’éventuel recours à des techniques instrumentales (forceps, ventouses…) qui peuvent déformer transitoirement le crâne (tête allongée) ou favoriser des traumatismes cervicaux chez les nouveau-nés.

- Des facteurs positionnels et un temps passé sur le dos trop important.

Il est donc fondamental de vérifier dès la naissance que bébé est libre de tourner la tête d’un côté et de l’autre, qu’on peut lui élever les bras et qu’il peut activer les muscles de son cou. Si vous constatez que votre bébé est moins à l’aise pour tourner la tête d’un côté, ou qu’il adopte toujours la même posture cervicale en rotation ou en inclinaison, parlez-en à votre pédiatre qui pourra effectuer un diagnostic et vous orienter si nécessaire vers un praticien compétent. En général, quelques séances de kinésithérapie, d’ostéopathie ou de chiropraxie suffisent pour aider.

Les différentes formes de plagiocéphalie ?

Les déformations sont généralement mineures mais il existe aussi des formes plus sévères avec des asymétries importantes du crâne et du visage susceptibles d’avoir une influence, plus tard, sur la sphère dentaire, l’occlusion, la mâchoire, la posture ou le rachis dans les scolioses. L’enjeu reste néanmoins le plus souvent esthétique, les déformations, même sévères n’ayant montré aucune influence sur le développement de l’enfant.

On distingue des formes légères, modérées et sévères en fonction de l’importance de la déformation.

La plagiocéphalie n’est donc pas une affection grave, mais elle doit être prise au sérieux. Le diagnostic et la prise en charge doivent se faire au plus tôt, puisque la plupart des troubles sont évitables lorsqu’ils sont pris en charge de manière précoce.

Pour les déformations importantes et déjà installées, il existe aussi des possibilités de réduire les déformations grâce au port de casques orthopédiques. Là aussi l’indication doit être posée suffisamment tôt, le pronostic dépendant de l’importance de la déformation mais aussi du potentiel de croissance restant.

les différents types de plagiocéphalie

A quoi être vigilant et quelle conduite à tenir ?

Dès la maternité, les pédiatres ou les sages-femmes procèdent à un examen complet du bébé qui permet de mettre en évidence un éventuel trouble acquis pendant la vie fœtale ou lors de l’accouchement (torticolis, torticolis congénital, étirement plexus brachial…)

Le bébé va ensuite être suivi régulièrement par un pédiatre qui va pouvoir vérifier la forme du crâne, le périmètre crânien, évaluer les possibilités de mouvements au niveau cervical, le tonus des muscles et identifier un problème s’il y en a un.

En tant que parents, il est aussi possible d’être vigilants, au quotidien, à plusieurs signes que vous pourrez rapporter au pédiatre en cas de doute.

Tout d’abord, dans les premières semaines et les premiers mois, il faudra noter tout inconfort du nourrisson lorsque vous le manipulez pour le bain, pour l’habiller ou le déshabiller, que ce soit au niveau des membres supérieurs, de la tête ou des cervicales. Chez les nouveau-nés, un inconfort peut se manifester par des pleurs après un mouvement difficile ou douloureux pour lui.

Il faut ensuite observer bébé au quotidien. Lorsqu’il est éveillé, peut-il orienter sa tête librement d’un côté et de l’autre ? Peut-il suivre du regard un objet et accompagner ce mouvement d’une rotation de la tête des deux côtés ? Quand il dort sur le dos, positionne-t-il toujours sa tête du même côté ou bien modifie-t-il naturellement ses appuis ? Constatez-vous une déformation du crâne lorsque vous le regardez de dessus, ou bien une asymétrie visible ? Le crâne présente-t-il un bombement ou un méplat à l’arrière ? Le visage semble-t-il plutôt symétrique ou franchement asymétrique ? Si vous notez un ou plusieurs de ces éléments, alors il peut être utile de demander un avis à votre pédiatre.

Si un problème est identifié, le pédiatre vous orientera le plus souvent vers un kinésithérapeute mais aussi parfois vers un ostéopathe ou un chiropracteur spécialisé dans la prise en charge des bébés. Le suivi en kinésithérapie ou en ostéopathie a pour but de libérer les freins à la mobilité et les contraintes tissulaires par un travail de mobilisation douce des tissus, des muscles et des vertèbres. Si votre bébé à des difficultés à tourner la tête du côté droit par exemple, le travail aura pour but de lui permettre de tourner la tête librement des deux côtés afin de limiter le temps passé sur la zone aplatie.

Bien évidemment, kinésithérapeutes et ostéopathes ne peuvent rien tout seuls. En tant que parents, vous serez fortement mis à contribution, pendant et entre les séances avec des exercices spécifiques visant à limiter les contraintes prolongées sur la zone aplatie, à stimuler les muscles du cou et à favoriser une croissance libre du crâne. Kiné et ostéo pourront vous guider en vous montrant comment effectuer les exercices avec votre enfant et en vous donnant plein de conseils (portage, couchage, allaitement/ biberon…).

Que faire pour prévenir la plagiocéphalie et participer au traitement ?

Les parents jouent un rôle clef, dans la prévention et le traitement des plagiocéphalies. Il s’agit principalement de conseils pour le couchage de bébé et le portage mais aussi d’exercices de stimulation lors des phases d’éveil. Les principes sont simples, faire varier les contraintes, stimuler la mobilité et la motricité.

Pour coucher bébé, on suit bien entendu les recommandations de la HAS et on le met sur le dos. On veillera à alterner si possible les positions de la tête d’un côté et de l’autre, soit au moment de le coucher s’il s’est endormi dans vos bras, soit quand il dort profondément (avec beaucoup de délicatesse, sans le réveiller et sans insister s’il y a une résistance).

stimuler bébé pour éviter la plagiocéphalie

Il est aussi possible, pour les siestes, de faire dormir bébé sur un côté ou sur l’autre pour varier les appuis. Dans ces cas-là, il faudra le garder sous surveillance et bien veiller à ce qu’il ne roule pas sur le ventre.

Lorsque bébé est éveillé, il va falloir le stimuler et le faire bouger. On pourra :

- Stimuler les rotations de la tête en insistant sur le côté déficitaire s’il y en a un. Les cervicales et les muscles du cou sont au service des yeux, il vous suffit donc de jouer avec votre enfant en favorisant les poursuites visuelles. Présentez à votre enfant un objet qu’il a envie de suivre du regard et faites bouger cet objet jusqu’à ce qu’il tourne la tête. Si votre tout-petit a du mal à tourner la tête d’un côté ou semble moins intéressé par ce côté, pensez à mettre ses jouets, ses peluches, son mobile du côté opposé pour le motiver à explorer cet espace. De même pour le biberon, pensez à varier les positions en lui donnant alternativement le biberon d’un côté et de l’autre.

bébé sur le ventre pour éviter la plagio

 

- Stimuler l’extension de la nuque et la contraction des muscles cervicaux postérieurs qui sont directement en lien avec l’occiput et favorisent le modelage des os du crâne. Bébé passe beaucoup de temps sur le dos, il va donc falloir le faire jouer sur le ventre. Les anglo-saxons résument cette approche par “Back to sleep, pro to play” ce qui veut dire que dès que bébé est éveillé et prêt à jouer, il faut le mettre au maximum sur le ventre. Bien entendu, au début, il n’est pas possible de le poser sur le ventre et de le laisser jouer tout seul sur le tapis d’éveil. Il faudra le porter. De même l’objectif n’est pas que bébé tienne sa tête tout de suite. Il s’agit d’un temps de stimulation et de jeu, adapté à ce que peut faire bébé à un instant « t ». Dès les premières semaines de vie, bébé peut faire une extension cervicale et maintenir la tête même s’il ne peut pas le faire très longtemps. Il est par exemple possible de le stimuler plusieurs fois par jour en le positionnant sur votre avant-bras, votre main le tenant en position ventrale par le thorax et l’abdomen, l’autre main sécurisant sa tête. De temps en temps bébé va regarder devant lui et tenir sa tête quelques secondes avant que celle-ci ne repose à nouveau dans votre main lorsqu’il est fatigué. Son endurance va augmenter petit à petit et il sera ensuite possible de faire toutes les variantes d’exercices de type « superman » pour le stimuler.

position de travail cou pour éviter la plagiocéphalie

Les exercices doivent être répétés quotidiennement et au moins trois fois par jour.

La HAS déconseille l’usage des cale-têtes, des sièges-coques et des coussins anti-tête-plate car ils limitent le plus souvent la mobilité du bébé. Il en va de même pour le transat, le cocoonababy, le cosy, le siège auto, le porte bébé ou l’écharpe de portage. Il n’y a pas de contre-indication absolue mais il faudra veiller à limiter les phases prolongées d’utilisation statique ou bien veiller à ce que bébé varie ses appuis au niveau de la tête. Bref, qu’il soit libre de bouger smiley

Quand est-ce que le traitement par casque est indiqué ?

Dès la naissance, la mise en place des bons gestes et la stimulation régulière de l’enfant participent à la prévention des plagiocéphalies. Un éventuel problème au niveau de la mobilité cervicale doit absolument être exploré et pris en charge au plus tôt s’il est identifié.

Entre 0 et 3 mois, la rééducation, les soins et les exercices permettent le plus souvent de corriger un aplatissement naissant. Au-delà de cette période, si les déformations persistent ou s’aggravent, il vous faudra demander conseil auprès d’un médecin spécialisé dans la prise en charge des plagiocéphalies. En fonction de la sévérité de l’atteinte, il prescrira un traitement par orthèse qui correspond à un casque spécialement adapté à votre enfant, moulé et évolutif. Son principe est d’ajouter des contraintes sur les zones bombées et de laisser de l’espace au méplat pour que la déformation se corrige au cours de la croissance.

Il est prescrit en général après l’âge de 4 mois, quand les autres solutions thérapeutiques ont échoué. C’est un traitement efficace d’un point vu esthétique mais il est aussi très contraignant. Le casque est porté par l’enfant de jour comme de nuit, 22h sur 24, et doit être lavé chaque jour. Le traitement nécessite par ailleurs un suivi régulier, avec une consultation environ tous les mois pendant toute la durée du port du casque comprise entre 10 mois et 1 an et demi en fonction de la sévérité et de l’évolution. Cette prise en charge coûte cher (1000 à 1500 euros pour le casque) et n’est pas prise en charge par la sécurité sociale.

casque de plagiocéphalie

 

Enfin, et c’est très important, l’ensemble du parcours de soin jusqu’à l’obtention du casque (consultation chez le pédiatre puis le spécialiste, prescription du casque, moulage, fabrication…) peut prendre de 2 à 3 mois. Si vous constatez des déformations crâniennes postérieures, ou que vous avez un doute, mieux vaut en parler à votre pédiatre et à un spécialiste au plus tôt. Une prise en charge précoce est de meilleur pronostic.

Conclusion

La plagiocéphalie ne doit pas être une source d’inquiétude excessive mais la vigilance est de mise. Soyez observateurs et consultez votre pédiatre si vous avez un doute : une difficulté pour votre nouveau-né à tourner la tête d’un côté ou un aplatissement naissant est un motif suffisant pour une consultation. Pour le reste, rappelez-vous que la position sur le dos reste recommandée pour dormir car elle limite le risque de mort subite du nourrisson mais qu’il faut réserver son usage au maximum pour les phases de sommeil. Lors des phases d’éveil, stimulez votre enfant plusieurs fois par jour, jouez avec lui, portez-le, mettez-le sur le ventre, sur le côté et même sur le dos pour lui faire tourner la tête d’un côté et de l’autre en vous suivant du regard. Bref, soyez créatif et faites-le bouger J C’est le meilleur moyen d’éviter la plagiocéphalie.

 

Article écrit par Pierre Del Aguila, Masseur-kinésithérapeute DE, Ostéopathe D.O., Enseignant en Thérapie Manuelle et papa artiste