Article écrit par Dr Dragana Angelov Isak, gynécologue obstétricien au Centre Hospitalier Edmond Garcin
Vous constatez des pertes de sang ainsi que des contractions et vous vous demandez si vous n’êtes pas en train de faire une fausse couche tardive ? Quels sont les symptômes caractéristiques d’une fausse couche tardive ? Quel est le risque de faire une fausse couche tardive ? Quand faut-il consulter ? Comme se déroule la prise en charge d’une menace de fausse couche tardive et d’un antécédent de fausse couche tardive ? Est-il possible de retomber enceinte rapidement après ? On fait le point.
A partir de quand parle-t-on d’une fausse couche tardive ?
La fausse couche tardive est l’expulsion ou avortement spontané d’une grossesse entre la 14ème et la 22ème semaine d’aménorrhée (12ème et 20ème semaine de grossesse) soit au cours du deuxième trimestre de grossesse entre le 4ème et le 5ème mois de grossesse. Au-delà de la 22ème SA et avant la 37ème SA, on parle de menace d’accouchement prématuré.
Quels sont les symptômes d’une fausse couche tardive ?
L’apparition de saignements abondants (métrorragies) est le principal symptôme d’une fausse couche tardive. Ces pertes de sang sont accompagnées de contractions régulières et douloureuses similaires à celles d’un accouchement. La perte de liquide amniotique est également un signe de fausse couche tardive.
Dans tous les cas, une consultation en urgence est nécessaire pour poser un diagnostic avec certitude.
Quel est le risque global d’une fausse couche tardive ?
Le risque de fausse couche tardive est inférieur à 1% des grossesses. Dans une étude(1) de cohorte portant sur 5 075 femmes enceintes japonaises, le taux de fausses couches tardives (14-21 SA) est estimé à 0,9%. Dans une autre étude(2) portant sur 264 653 femmes enceintes canadiennes, ce taux (15-21 SA) est estimé à 0,4%.
C’est donc un phénomène bien plus rare que les fausses couches précoces qui surviennent au cours du premier trimestre de grossesse.
Quels sont les facteurs de risque d’une fausse couche tardive ?
Les facteurs de risque associés à une fausse couche tardive sont :
- les âges maternels « extrêmes » (< 16 ans et > 35 ans)
- les antécédents de fausse couche précoce, de fausse couche tardive, d’accouchement prématuré et d’interruption volontaire de grossesse (IVG)
- la privation de sommeil
- l’existence d’une malformation utérine
- un antécédent de trachélectomie
- l’existence d’une vaginose bactérienne
- la réalisation d’une amniocentèse surtout après 18 SA
- un col court (mesure échographique inférieure à 25 mm) au second trimestre de la grossesse
- un col ouvert avec la poche des eaux dans le vagin.
Quel est le risque en cas de menace de fausse couche tardive ?
Une menace de fausse couche tardive se caractérise par la présence de modifications cervicales entre le 14ème et le 22ème SA définies par une mesure échographique de la longueur cervicale (ou longueur du col de l’utérus) inférieure à 25 mm que la poche des eaux soit intacte ou rompue. Ces modifications cervicales peuvent ou non être accompagnées de contractions utérines. Elles augmentent le risque de fausse couche tardive.
Le col utérin peut se raccourcir sous l’influence des contractions utérines, sans contractions ressenties préalables (on parle alors d’incompétence cervicale ou de béance du col bien qu’il n’existe pas de consensus quant à sa définition précise) ou en raison d’une malformation congénitale.
Le risque de fausse couche tardive augmente pour une patiente présentant un col raccourci. Il est d’autant plus important que :
- le diagnostic de col court est fait tôt, en particulier avant 20 SA
- la longueur cervicale est faible (< 25 mm)
- la patiente a au moins un antécédent d’accouchement prématuré.
La présence d’un col ouvert avec la poche des eaux dans le vagin augmente considérablement le risque de fausse couche tardive.
Toutefois, les données de la littérature sont insuffisantes pour permettre d’estimer l’ensemble de ces risques de fausses couches avec précision.
Comment se déroule la prise en charge d’une menace de fausse couche tardive ?
La prise en charge d’une menace de fausse couche tardive nécessite la réalisation d’un bilan initial qui comprend :
- Un interrogatoire visant à rechercher la présence d’antécédents obstétricaux (antécédents de fausse couche au premier ou au second trimestre, d’accouchement prématuré ou d’interruption de grossesse) considérés comme des facteurs de risques de fausse couche tardive et nécessitant une prise en charge spécifique.
- Un examen au spéculum visant à rechercher une éventuelle présence de la poche des eaux au niveau de l’orifice du col utérin ou dans le vagin.
- Une échographie endovaginale visant à mesurer précisément la longueur cervicale.
- Un bilan infectieux comprenant la mesure de la température et du pouls maternel, la recherche de contractions utérines, la réalisation d’une NFS (numération formule sanguine ou hémogramme) et le dosage de la CRP (protéine C réactive).
- Un prélèvement vaginal à la recherche d’une infection vaginale bactérienne (vaginose) ainsi qu’une analyse bactériologique des urines à la recherche d’une infection urinaire (cystite, pyélonephrite).
Dans le cas d’un bilan infectieux positif, un traitement antibiotique est réalisé.
Dans le cas d’un bilan infectieux négatif, deux situations cliniques sont possibles :
- Vous présentez uniquement un col court isolé (longueur cervicale échographique < 25 mm) sans contractions utérines. Dans ce cas, un traitement médical par progestérone vaginale (100-200 mg par jour) sera prescrit jusqu’à 34 SA.
- Vous présentez un col ouvert, associé ou non à une protrusion de la poche des eaux dans le vagin. En l’absence de chorioamniotite (infection intra-amniotique) et/ou rupture de la poche des eaux, un cerclage thérapeutique appelé cerclage à chaud sera discuté avec l’équipe médicale et, le cas échéant, réalisé selon la technique de Mc Donald. Il s’agit d’une intervention chirurgicale par voie vaginale sous anesthésie générale ou sous péridurale (hospitalisation d’un jour) qui consiste à faufiler le col par un fil non résorbable au niveau de son insertion dans le vagin dans le but de le maintenir fermé et de permettre ainsi au fœtus de se développer. Ce fil sera enlevé après 37 SA. Le cerclage est combiné à une tocolyse (traitement des contractions) et à une antibioprophylaxie (antibiotiques donnés à titre préventif). Quelques contractions utérines associées à un saignement de faible abondance peuvent tout de même survenir à la suite d’un cerclage.
Quelle est la prise en charge d’un antécédent de fausse couche tardive ?
Un antécédent de fausse couche tardive nécessite l’analyse du contexte clinique de l’évènement afin de savoir si une cause a été clairement déterminée ou plutôt suspectée.
En dehors d’une infection considérée comme responsable de la fausse couche tardive, la réalisation d’un bilan d’évaluation de la cavité utérine est nécessaire. Ce bilan peut être réalisé à l’aide d’une échographie 2D ou 3D, une hystéroscopie ou une IRM pelvienne. Ces examens ont pour but de détecter une éventuelle malformation utérine congénitale (utérus à fond arqué, utérus cloisonné ou utérus bicorne) ou une anomalie utérine acquise (synéchies dans la moitié des cas, polypes, fibromes).
- Si vous présentez une cloison utérine et un antécédent de fausse couche tardive, la cloison utérine sera sectionnée par hystéroscopie. Le principe de ce traitement chirurgical est de visualiser directement l’intérieur de la cavité utérine par les voies naturelles à l’aide d’une caméra appelée hystéroscope dans laquelle sont introduits les instruments chirurgicaux nécessaires.
- Si vous présentez un utérus en T et un antécédent de fausse couche tardive, la réalisation d’une métroplastie d’agrandissement est à discuter. Le principe de cette intervention est d'agrandir la cavité utérine.
- Les anomalies acquises de la cavité utérine (comme des myomes) ne sont corrigées qu’à partir de 3 antécédents de fausse couche précoce ou tardive sans naissance à terme. Il est démontré que cela améliore le pronostic des grossesses ultérieures.
Pour toutes les patientes enceintes d’une grossesse singleton (un seul fœtus) après un antécédent de fausse couche tardive ou d’accouchement prématuré, une surveillance échographique est mise en place. Une mesure de la longueur du col utérin par échographie endovaginale entre 15 et 24 SA est systématiquement indiquée.
Si vous ne présentez pas un col court, un cerclage prophylactique appelé cerclage à froid selon la technique de Mc Donald ne sera réalisé qu’en cas d’antécédents de 3 fausses couches tardives ou de 3 accouchements prématurés.
En cas d’échec d’un cerclage selon la technique de Mc Donald, un cerclage cervico-isthmique est indiqué. Le col est faufilé par une bandelette non résorbable au niveau de la jonction cervico-isthmique. Ce cerclage réalisé par voie coelioscopique engendre moins de complications que celui réalisé par laparotomie (ouverture de l'abdomen).
Retomber enceinte après une fausse couche tardive
La fausse couche tardive constitue souvent un traumatisme pour la femme en raison du stade d’avancement de la grossesse. Prenez le temps pour surmonter cet évènement et n’hésitez pas à solliciter le soutien de votre partenaire, de votre famille et/ou d’un psychologue si besoin.
Sachez que la fausse couche tardive n’a pas d’impact sur la fertilité. Vous avez toutes les chances de retomber enceinte rapidement et que la grossesse se déroule normalement.
(1) First trimester serum folate levels and subsequent risk of abortion and preterm birth among Japanese women with singleton pregnancies, Arch Gynecol Obstet. 2013.
(2) Age-specific risk of fetal loss observed in a second trimester serum screening population, Am J Obstet Gynecol. 2005.